La décapitalisation au service du financement de la transition

Dans le fichier de suivi économique de ma ferme que j'utilise au quotidien, je me suis également intéressé à l'approche financière. Ma curiosité m'a fait m'intéresser à l'attractivité de ma ferme en tant qu'entreprise pour d'hypothétiques investisseurs. Ce n'est en rien un projet, un simple amusement qui révèle un problème systémique du modèle agricole industrielle.

Une attractivité financière instable

Mes résultats financiers

Ce que j'appelle Rentabilité financière brute correspond, en fait, au Taux de Rentabilité Économique (ROCE) sans prise en compte de l'impôt. Je trouve ce critère très intéressant car il permet de quantifier les bénéfices générés pour chaque euro investi, que ce soient les capitaux propres et les dettes.

Lorsque je parle de rémunération constante, je ne prends plus en compte les prélèvements privés réels, mais je me base sur des prélèvements correspondant à 1.5 fois le SMIC. Pour rappel, ce que j'essaye de déterminer à travers ces critères est l'intérêt potentiel d'un investisseur qui souhaiterais acheter ma ferme et qui donc détiendrais l'ensemble des actifs de l'exploitation. 

A la vue de ses résultats, ce que l'on peut dire est que la forte variabilité, ajoutée à un secteur d'activité fortement impacté par des aléas non maitrisables, rend l'agriculture financièrement peu attractive. Cependant, subsiste quelques secteurs de niche - comme la viticulture des grands crus - qui peuvent attirer des investisseurs. Dans ces cas de figures, il serait intéressant de connaitre la véritable rentabilité de ces investissements, qui sont parfois réalisés pour le prestige, l'image de marque ou autre superficialité.

Une activité nécessitant une forte mobilisation de capitaux

Cela peut paraitre anodin, en tant que fermier, de mobiliser autant de moyens financiers dans une activité qui demande autant de sacrifices et apporte si peu de reconnaissances. Je m'en suis rendu compte lorsque j'ai voulu entamer ma transition agroécologique. En revanche, je constate autour de moi que tous les jeunes agriculteurs ne font pas le même constat. Bien au contraire ! Le début de cette décennie est marqué par une frénésie des investissements, essentiellement dans l'automatisation et la mécanisation. La conjoncture actuelle favorable ne fait qu'encourager cette course à l'armement !

La transition doit être financée par la décapitalisation

En prenant conscience de cette manne financière, je me suis dit que cela allait nous permettre de modifier nos pratiques de manière rapide et brutale sans devoir faire de concession sur notre mode de vie, bien au contraire.

On constate donc qu'en 2 ans, la valeur des actifs de la ferme a diminué de 30%. Dans le détail, les amortissements représentaient la moitié de cette baisse. Cela n'est qu'une valeur comptable et ne représente donc pas une quelconque disponibilité de trésorerie.

L'autre moitié correspond à des ventes de matériels (deux tracteurs, une remorque distributrice, un DAC, ...) pour une valeur totale de 66 000€, une vente de cheptel jugé improductif pour un montant de 25 000€, et enfin des stocks semenciers, fourragers et des avances aux cultures en baisse pour un montant de 40 000€. C'est grâce à cela que j'ai pu faire face aux difficultés technico-économiques du début, je vous renvoie à cet article qui en parle. Cela nous a aussi permis d'investir dans la mise en place du réseau d'eau et autres dépenses liées au pâturage.

Ce qu'il faut retenir de cet article est qu'un changement vers une agriculture plus vertueuse est possible et que, miracle, elle ne nécessite aucune subvention. Bien évidemment, en tout bon agriculteur qui se respecte, je dirais que toute aide supplémentaire ne sera pas refusée !

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